6.11.05

"Écoute d'autrui défaillante"

Je pique les mots du commentaire de YR pour titrer cet extrait de mon Moleskine®.

Je tentais de rester concentré pour que mon imagination s'accorde à celle du verbicruciste qui avait composé la grille. Eclairé par la vitrine de la pâtisserie, apprêtée pour me tenter vers les enfers des l'hyperglycémie; je lui tournais le dos pour profiter de ses lumières.

Des relents de Diogène remontèrent du plus profond de ma grécité quand l'ombre tombât sur le journal; cheveux longs. J'imaginais la gourmande en train de convoiter les mendiants, insensible et indifférente à mes efforts et j'étais sur le point d'opter pour l'éclairage plus chiche du marchand d'articles de marins d'eau douce qui se trouve à côté, quand la lumière revint. Et en même temps, une main se posât sur mon épaule gauche.

Je me retournais légèrement pour faire face à la vision d'hypoglycémique célibataire qui avait réussi le transfert parfait : une de ces playmates qui ont échappé à Hoeffner; sourire éclatant, encadré de rose vaginal 'effet-mouillé', yeux vert-gris aussi souriants que les lèvres, sur fond de cacao 80 %, entouré de longs cheveux frisés. La main gauche tendue vers le journal, l'index de la droite pointant vers mon crayon.

Je me retournais complètement, lui abandonnant grille et crayon, maudissant l'éclairage qui la découpait en ombre chinoise, plongeant les yeux vers son décolleté, puis abandonnant pour apprécier la silhouette; "Bonbon Miel", le surnom fusa dans mon esprit pendant qu'elle griffonnait sur le journal, qu'elle me rendit en faisant revenir le sourire qui avait momentanément fuit son visage. Je la quittais des yeux pour constater que 8.1h et 6.2v étaient remplis.
Cette satanée vision avait entamé ma grille ! Pour éviter le "quelle conne" qui tendait de franchir la barrière de ma barbe, je lâchais un "merci" qui claquât comme un reproche et qui balaya son sourire. Je regrettais instantanément ma maladresse : "bon, puisqu'elle est entamée, autant la finir à deux; si on s'installait à la terrasse d'un café ?" L'effet voulu fut obtenu, le sourire reprit sa place et elle fit "oui" de la tête faisant danser sa chevelure blonde. C'était ça qui m'avait fait penser a miel, cette blondeur incongrue et son parfum; 'elle sent le miel; Manara n'est pas loin; putain, elle est jeune'

En nous dirigeant vers le Globe, de l'autre côté de la place, j'ai profité pour la mater de partout : profil droit et décolleté en direct, profil gauche et allure générale sur les reflets que les vitrines m'envoyaient. En arrivant au niveau de Virgin et de son éclairage généreux, devant la console de Harry Potter, je l'ai arrêtée en la prenant par le bras droit, je me suis posé face à elle, les yeux dans les yeux et plaçant les mains sur ses épaules je poussais légèrement de la gauche, l'attirant de la droite, puis j'ai fait un pas en arrière. Elle tournoya sur elle-même; 'vieux cochon lubrique, rince toi l'oeil', le message passait en langage corporel, puis elle s'arrêta brusquement, m'arracha le journal et repartit vers le Globe. Je la suivis à pas lents, concentré sur ses fesses d'abord, puis, quand elle s'installât sur la terrasse penchée sur le journal, en me plongeant dans son décolleté à nouveau, dérivant un peu pour apprécier les pointes qui semblaient avoir un peu durci.

Je me suis installé à côté d'elle, sorti un stylo, et le duel commença, à coup de lettres placées dans les cases; nous avons eu un instant d'hésitation quand ce fut fini. Elle me regarda en tapant dans ses mains comme une gamine, se trémoussant comme une adolescente, souriant comme St Thérèse.

"Salut, je m'appelle Antoine"; il a fallu que je dise quelque chose pour retenir mon envie de lui sauter dessus. La présence du serveur m'a aidé, me retournant pour lui demander un demi. Quand je me suis retourné, elle me tendait le journal; "moi c'est Evita", griffonné dans la marge. Je levais les yeux pour la voir faire les signes internationaux signifiant sourde-muette, suivis d'un haussement d'épaules et d'un rire silencieux. Puis elle rajouta à la marge : "articule, je lis sur les lèvres" et me fit signe d'attendre; le temps de sortir de son sac un Palm.

Elle n'avait pas encore fini d'écrire la première phrase que j'avais sorti le mien.

Quelques dizaines de recharges des accus et plusieurs dizaines de grilles plus tard, nous nous sommes séparés sur un quai de la gare St Jean, sur ce dernier message envoyé par Bluetooth à travers la fenêtre du TGV : "tu sais que tu ronronnes quand tu dors ? J'ai senti les vibrations".

Il faut que je traite ce problème de ronflement et que je fasse vérifier ma glycémie. J'ai un goût de bonbon au miel à la bouche depuis quelques jours.

Entre sourds on s'est bien entendus.

Aucun commentaire: