24.1.06

logiques et esprits

Il se trouve que j'aime la logique. Ca procure un cadre dans le quel on peut évoluer de façon concertée avec nos semblables. Comme les règles d'un jeu.

J'aurais dû dire j'aime les logiques. Parce qu'il n'y en a pas une seule bien entendu. Le cadre logique dépend des axiomes que l'on pose et qu'on accepte d'un accord commun (et à défaut, d'un accord majoritaire) à considérer. Ce qui permet de définir autant d'espaces logiques que l'on souhaite, suivant les communautés que l'on définit. Il y a une pléthore de jeux et chacun a ses propres règles.

Mais en fait je n'aime pas toutes les logiques. J'ai mes préférées, celles qui me laissent indifférent, puis certaines que j'abhorre. C'est une question de goût et non pas de classement suivant une échelle de valeurs absolue. C'est comme la préférence des jeux, on peut aimer les échecs, avec des règles qui ne laissent rien au hasard, ou préférer les dès, parce qu'ils créent des opportunités à saisir, ou le Monopoly parce qu'en dehors du coup de dé, il y a des décisions à prendre quant à la façon de réagir. On peut également utiliser plusieurs systèmes logiques de la même façon qu'on peut aimer plusieurs jeux. Je connais par exemple des scientifiques, qui se disent des matérialistes et qui n'oublient jamais de consulter leur horoscope ! Aucun n'a réussi à me dire comment les deux son conciliables.

Les gens oublient souvent qu'il y a plusieurs logiques, et, si la votre n'est pas la leur, ils décident que vous n'êtes pas logique du tout. Ou s'ils ne l'oublient pas, c'est qu'ils pensent que leur logique est meilleure que la votre pour une raison qu'ils oublient souvent de présenter, ou peut-être ne veulent pas présenter.

Je ne pense pas que deux logiques puissent être classées autrement qu'en fonction d'un objectif prédéterminé et commun entre les partisans de l'une et de l'autre. Sinon ça serait comme essayer à comparer les règles du Monopoly et des échecs pour choisir quel ensemble est le meilleur; absurde.

Ainsi, je ne dirais pas que ma logique est meilleure que celle d'un opposant si nous n'avons pas préalablement accepté un objectif commun. Ce n'est qu'à partir de ce moment qu'une comparaison devient possible. Ni n'accepterais le jugement d'un opposant, avec qui je n'ai pas des objectifs communs, disant que ma logique est moins bonne que la sienne.

Des fois, quand on donne l'objectif d'un système logique, on n'est pas suffisamment clair. Ca risque de créer des malentendus, laissant croire que deux systèmes de logique ont le même objectif, tandis que ce n'est pas le cas. Si je dis : "je traiterai du monde et ceci signifie que le monde dont je vais traiter ne contient aucun élément extérieur, puisque par définition le monde contient tous les éléments existants", je définis un cadre dont la logique ne peut pas être comparé avec un autre, qui aurait comme objectif de "traiter du monde et du surnaturel, c'est à dire de quelque chose qui n'appartient pas au monde". Essayer de comparer les deux systèmes logiques pour décider lequel est le meilleur est sans intérêt. Ils ne sont que partiellement comparables, si le deuxième système admet de poser le surnaturel de côté, ce qui rendrait les objectifs identiques.

En passant, observons que les deux systèmes cités ont un comportement quantique. On ne peut pas être de l'un et de l'autre, le cul entre deux chaises. Ca ne veut pas dire que l'on ne peut pas raisonner dans le cadre des deux, mais que le raisonnement ne peut être simultané. Cela ne signifie pas non plus qu'un raisonnement ne peut être commun. Certains raisonnements le seront. Mais ceux qui touchent aux objectifs ne peuvent pas l'être.
Prenons deux jeux comme exemple, le Monopoly et le Jeu de l'Oie. Les deux se jouent avec des dès et on lance pour savoir de combien de cases on doit avancer. C'est un geste comparable avec les raisonnements communs. Par contre, la façon de gagner une partie est fondamentalement différente; dans un cas il faut atteindre une case le premier, dans l'autre il faut être le dernier à rester en jeu ayant éliminé les adversaires; c'est l'équivalent des raisonnements qui ne peuvent être communs. Les deux sont des jeux, les deux se jouent avec des dès, dans les deux les joueurs ont comme objectif d'être le vainqueur, dans les deux il y a un vainqueur. Mais les règles sont différentes.

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Une amie ayant demandé à ce que je conserve les échecs, qu'elle prise particulièrement à cause du jeu de mot affreux "aux échecs on cherche à réussir", je m'exécute :
Prenons deux jeux comme exemple, les échecs et les dames. Les deux se jouent sur des plateaux avec un nombre de pièces définis au début. Chaque pièce à des propriétés de mobilité particulières [pour les dames il y a les pions et les Dames, ce qui fait deux types ;-)]. Plateaux, pièces et propriétés de déplacement pourraient être comparés aux raisonnements communs. Par contre, la façon de gagner une partie est fondamentalement différente. Aux échecs il suffit de capturer une pièce particulière, le roi, tandis que aux dames il faut capturer toutes les pièces de l'adversaire, c'est le cas équivalent aux raisonnements qui ne peuvent être commun. Les deux sont des jeux, les deux se jouent entre deux joueurs, sur un plateau quadrillé, avec des pièces au nombre et aux déplacements limités, sans dès, dans les deux les joueurs ont comme objectif d'être le vainqueur, dans les deux il y a un vainqueur. Mais les règles sont différentes.
J'espère avoir satisfait l'amie exigeante mais je n'attendrais pas son approbation avant de publier ce post :-P
Et je ne recommencerai pas pour d'autres exemples, si un malin pense me faire perdre mon temps avec des exigence particulières à propos de tel ou tel jeu.

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Bien entendu on peut comparer à priori le choix des référentiels/objectifs, mais sans perdre du temps à considérer les systèmes logiques en soi pendant cette comparaison.
A propos de l'exemple pris ci-dessus, quelqu'un peut dire que je pourrais considérer "naturel et surnaturel" pour mon système logique. Je suis libre à ne pas accepter d'en faire autant. Pour me convaincre, il pourrait objecter que si je suis cette piste mon explication du monde naturel en serait facilitée. Ce qui est loin d'être parmi mes aspirations: suivre le chemin facile. C'est vrai que si à chaque fois que je tombais devant quelque chose que je ne comprenais pas je prétendais que c'est parce que c'est ainsi que le créateur de l'univers l'a conçu ma vie en serait fortement simplifiée. Si j'auvais pu en faire autant pour tous mes examens à la fac j'aurais eu plus de temps disponible pour profiter des belles étudiantes de la fac des lettres o_O
Ce qu'il ne pourrait pas dire est que je devrais faire ceci ou cela. La notion de devoir supposant qu'il y a une hiérarchie objective des logiques, ce que j'ai réfuté à priori.
Ceci ne signifie pas qu'il n'est pas possible que je change d'avis dans le futur. Si je fais l'objet d'une révélation mystique, il est fort probable que je change de logique et que je considère "le naturel et le surnaturel" de concert. Ceci ne signifie pas non plus que j'investirai du temps à tenter d'avoir une révélation mystique. Sauf si cela implique les susdites étudiantes de la fac des lettres, puisqu'il semble qu'on peut chercher la révélation mystique partout ! Autant le faire de façon agréable.

Tout ça pour dire, encore une fois, que quand on souhaite comparer les deux modes de pensée que sont la science et la religion il y a un problème sérieux. La science, par définition, n'admet pas le surnaturel comme causalité. La religion oui. Vouloir comparer les deux logiques est impossible puisque la façon de gagner est différente. Et que les règles le sont également.
On peut préférer la science, ou la religion ou pratiquer les deux. Mais pas simultanément (exception faite peut-être pour le cas où l'on prie pour que l'expérience en cours ne foire pas)

Certains pensent que leur logique devrait s'appeler scientifique, non pas parce qu'elle correspond à la définition des objectifs de la science, mais parce que cela semble y correspondre.
C'est la même erreur que si on considérait que le jeux des dames devrait s'appeler jeu d'échecs, sous prétexte qu'il y a un vainqueur à la fin d'une partie, ou parce que les deux jeux se jouent sur un plateau, et qu'ils impliquent deux joueurs, et des pièces sont disposées d'une certaine façon, ou encore parce que le mouvements de telle ou telle pièce sont prédéterminés.
Imaginez la réaction des joueurs d'échecs et de leurs, clubs, fédérations et sympathisants, le jour où les joueurs de dames décideraient d'appeler leur jeux échecs !
Ca serait de l'ordre de la réaction du buveur de whisky à qui on servirait à la place du ginger ale, en disant que c'est la même chose parce que c'est dans un verre à whisky, que c'est liquide et qua ça a la bonne couleur. Certes, mais ça manque d'esprit !

C'est à peu près la réaction des scientifiques quand certaines personnes décident de baptiser science un système de logique incluant le surnaturel. Même si lesdites personnes sont des scientifiques, parce qu'ils ont fait les études ah hoc, ceci ne signifie pas qu'ils agissent en tant que tels, ils leur manque l'esprit. Qu'ils ne l'aient jamais eu, ou qu'il l'aient perdu.

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