Quelque part à l'été 2003 j'ai rencontré quelqu'un via un réseau de rencontres Internet qui m'a donné l'adresse de son blog, pour que je puisse voir sa photo. Drôle d'idée d'ailleurs, parce que son blog était vraiment un journal intime dans lequel il parlait entre autres, allègrement, de ses envies suicidaires. Ça m'a énormément touché... Et j'étais très intéressée par le diarisme sur le Net. En discutant avec lui, il m'a montré des sites qui offraient des plates-formes faciles d'utilisation pour les paresseux ne voulant pas construire une page.

J'ai créché d'abord dans un blog semi-anonyme où j'utilisais des abréviations pour parler des gens. Peu de gens de ma vie connaissaient ce blog, mais il était de moins en moins anonyme puisque j'ai fini par y mettre des photos de moi. Je voulais surtout un espace pour écrire, publier mes correspondances. C'était une époque où j'écrivais compulsivement à un de mes ex et je voulais m'en libérer par le Net.

J'ai fini par me tanner et j'ai voulu créer une plate-forme assumée, où je pourrais diffuser ouvertement mes tentatives créatrices...

Finalement ça me gavait aussi. Ça me manquait l'espace pour dire ce qu'on ne dit pas ailleurs. En fréquentant des blogs un peu plus corrosifs j'ai eu envie de ça. De dire les mots que je dis parfois moins facilement, et de pouvoir parler de mes douleurs sans que ma famille, mes collègues, mes amants puissent m'identifier. Bien entendu on peut imaginer que quelqu'un de concerné qui tomberait sur mon blog se reconnaîtrait, mais les chances sont minces... Les gens qui connaissent ma vraie identité sont assez rares (quoi que ce sont mes plus fidèles lecteurs)... et pour l'instant ça me comble parfaitement.

Ça dépend sur quel blog. Je m'adresse parfois à mes amis bloggers. Dans le cadre d'un blog assumé je m'adresse davantage aux gens qui m'aiment, qui aiment mes écrits, mais qui n'ont pas besoin de lire ma vie sur Internet, puisqu'ils en font partie.

Dans le cas de Zuda, je m'adresse à des hommes, principalement. Même si j'espère que certaines femmes s'y reconnaissent aussi. Le message d'une certaine Julie m'a beaucoup touché. À la base c'était un peu un test sociologique... Je voulais voir si même en parlant de sexe d'une façon peu érotique on pouvait érotiser les lecteurs masculins... Maintenant que ceci est prouvé, j'en fais un espace de défoulement... sexuel mais pas uniquement. C'est un peu thérapeutique, je parle de souvenirs douloureux ou beaux... de présent indicible ailleurs que sous l'anonymat... J'essaie d'approcher d'une certaine pureté... Mais d'écrire... bien et beau. Ça ne marche pas toujours, mais des fois on s'en approche.

Avec certains oui. La dernière fois que je suis allée à Paris, j'ai rencontré des bloggers dont certains sont devenus de très bons amis. À Montréal j'ai une seule expérience, pas vraiment heureuse, de rencontre... donc des fois je n'ose pas trop. En plus, avec certains propos ou certaines confidences que je fais, rencontrer les gens n'est pas toujours facile.

De plus, je trouve toujours ça difficile, parce que faire rentrer un blogger dans ta vie, c'est exclure une partie de ta vie du blog. Évidemment, si cette personne t'emmerde, t'attire, te blesse, tu peux difficilement en parler sur ton blog. Il fait partie des deux mondes. Certains bloggers gèrent ça bien. Moi, plus ou moins!

Non, récemment j'ai acheté un carnet dans lequel j'écris parfois un premier draft. Mais pour l'instant tout se retrouve sur le blog... J'ai arrêté par contre de publier les lettres que j'écrivais à des gens... je pense que j'avais l'impression de les violer un peu en mettant au jour les mots que j'écris supposément pour eux.

Plus jeune j'avais des journaux intimes... mais qui ont toujours été un peu publics. D'ailleurs, à l'adolescence moi et ma meilleure amie on avait un journal commun au travers lequel on s'écrivait...

Je pense que j'ai un besoin d'être vue et lue assez criant.

Il y a quelque chose au niveau créatif qui me plaît beaucoup. Je m'oblige à écrire en fait... peu importe comment je me sens ou l'importance de mon inspiration. Ça m'aide aussi à comprendre certains de mes sentiments, ou du moins à les ordonner. J'arrive parfois, via le blog, à trouver des formules très fortes qui expriment mes états d'âme... et que j'exporte vers la vraie vie.

Outre ça, ça donne la possibilité de faire des rencontres assez intéressantes parce qu'elles sont basées sur une communauté de pensée... et des fois (souvent!) sur une communauté de solitude.

Mais c'est surtout un exutoire... C'est une soupape d'échappement!

Ça me fait toujours rigoler quand je me fais prendre à utiliser ce genre d'expression, parce que ça va complètement à l'encontre de ma philosophie de vie. Pour moi, le vrai et le faux sont des notions que je n'utilise pas, ou ne veux pas utiliser.

Je devrais plutôt faire la distinction entre une moi au quotidien et une moi mise de l'avant par mon blog. Ceci étant dit, rien sur mon blog n'est faux. Contrairement à d'autres, je ne me fais pas un jeu de m'inventer un personnage très éloigné de moi pour m'amuser. Je ne suis pas assez créative pour ça. Je ne change pas de sexe, et ce que je raconte est intègre... Vrai, oui, sauf que je raconte peu d'événements, je raconte surtout des sentiments, des impressions, des pulsions, et dans ce domaine le vrai a peu de sens... c'est l'intégrité pour moi qui importe. Mais je ne mets pas en scène des fantasmes, où si je le fais, je le dis. Je mets en scène ma vie au quotidien, dans une volonté poétique, parfois jolie, d'autres fois médiocre.

Je garde tout. Je suis obsédée par l'oubli, peut-être d'ailleurs que toute la justification inconsciente de mon travail de blogger se trouve là! J'ai d'ailleurs beaucoup de mal à admettre les pertes d'archives d'e-mail que j'ai eu suite à la fermeture inattendue de certains de mes comptes hotmail, ou encore suite au crash de mon ordinateur qui a entraîné avec lui beaucoup d'e-mails et de brouillons.

Donc oui, je garde tout, c'est d'ailleurs pour ça que j'aime bien le blog... Son archivage est facile à consulter...

C'est tellement personnel que j'aurais de la misère à donner des conseils. Aucun blog ne se ressemble finalement, même si certains sont proches parents. Mais la philosophie du blog est unique à chacun. J'ai un grand respect pour ceux qui ont un ton très uniforme, un genre de formule gagnante, même si des fois j'ai l'impression qu'ils se perdent. J'ai un grand respect pour ceux qui assument leur identité et donnent même l'adresse à leurs parents tout en étant d'une franchise assez troublante. J'ai un grand respect pour ceux qui mènent de front des blogs plus politiques, ça m'intéresse moins, mais je trouve ça vital.

En gros le seul conseil c'est d'être à l'écoute de ses besoins. Le blog on le fait pour nous, par pour les autres. Tout est une question de choix, et tout est modulable. Le champ des possibles est vraiment étendu!

Malgré les apparences, je ne crois pas que le blog représente des vies parallèles... A priori, c'est surtout un mode d'expression parmi d'autres qui participent à une certaine esthétique du voyeurisme auquel ne sont étrangers ni les journaux de masse, ni les auteurs d'autofiction, ni la télé-réalité. Bien entendu, je ne compare pas la télé-réalité et l'autofiction, je pense uniquement qu'ils relèvent du même genre de fascination. Pareil pour les blogs.

Il est fascinant pour une femme de se rendre compte jusqu'à quel point les hommes peuvent être attirés et s'amouracher via un blog. Et ce n'est pas grave, ce n'est pas une fausse vie... C'est juste qu'il faut voir ça comme s'amouracher d'une chanteuse ou d'une écrivaine. Je ne dis pas que les rencontres dans le quotidien sont impossibles... elles sont souvent désillusionnantes... Elles brisent une certaine magie du blog et du blogger comme être inatteignable...

Le défi c'est donc de trouver l'équilibre entre le quotidien et l'investissement dans le blog. Il donne souvent l'impression que nous sommes moins seul, et pourtant on l'est toujours autant. Remarque l'amour aussi donne cette fausse impression... et on ne s'empêche pas d'y plonger. Alors plongeons, tout en protégeant sa peau.