Dis moi d'abord, d'où est-ce que tu sors ce nickname, pseudo, surnom, qu'est-ce que c'est d'ailleurs ?
Alors pourquoi pas de E au bout de pHiLoGrApH ? Non, aucune tentation d’angliciser la chose. L’idée première était que je me garde la possibilité de créer un graphisme symétrique pour ce pseudonyme (comme ici par exemple) et ce E final m’encombrait un tantinet. D’autre part, il m’est tout de suite apparu que ce E «manquant» faisait admirablement écho à ma fainéantise naturelle et à mon ambition dans l’écriture : m’en tenir au strict minimum.
Tu parles de « celui qui aime écrire ». C’est
ça qui t’a poussé à démarrer un blog ?
Est-ce que tes motivations initiales restent les mêmes aujourd’hui ?
Quant à ma motivation à bloguer, elle n’est pas la conséquence directe de mon plaisir d’écrire. J’écris en fait depuis l’adolescence. Tous les jours ou presque. Au début, je me suis essayé à différents genres, mais je n’ai jamais eu ni le talent, ni l’énergie, ni l’ambition de produire des écrits de qualité publiable. Lorsque je me suis débarrassé de l’idée qu’écrire n’avait de sens qu’avec l’intention de publier, j’ai dédramatisé cet acte pour ne plus le concevoir finalement que comme un plaisir de l’instant, intime et gratuit. J’ai même poussé le vice jusqu’à écrire un roman rien que pour moi. Je l’ai retravaillé ensuite pour le réduire à une grosse nouvelle. Les deux sont à présent égarés quelque part, dans un tas de disques durs qui attendent le marchand de vieux fers. Vu que je me souviens encore presque mot pour mot de la nouvelle, je la placerai sûrement un jour ou l’autre sur mon blog s’il me prend l’envie de soulager ma mémoire. Allez, en avant-première, en voici même le pitch. Il s’agit de l’histoire de «Tano, fils de deux morts». Son père éjacule en se pendant, sa mère vient profiter de cette providentielle «rigidité» cadavérique pour s’octroyer un dernier orgasme sur l’amour de sa vie et s’en trouve fécondée. Elle meurt dans un accident de voiture avant l’accouchement. On extrait donc Tano du ventre de sa mère décédée. Il survit. Fin de la première partie. Sa vie durant, Tano développe une esthétique macabre dans tous les registres de son existence. Le personnage est cynique mais paradoxalement assoiffé de vie. Pour une raison pas moralisatrice du tout mais longue à expliquer ici, la logique des plaisirs le mène à programmer son suicide. Fin de la deuxième partie. La troisième partie est entièrement axée sur la description minutieuse de son suicide, entre le moment où il place un revolver sur sa tempe et le moment où la balle quitte son crâne. La description est (dé)structurée en étapes très élémentaires de telle sorte qu’à chaque nouvelle «action», on descend d’un cran dans l’échelle de la description (un peu comme ici). Ainsi, je m’attarde d’abord à la main puis au doigt, puis à la phalange, puis à l’épiderme, etc. Lorsque la balle entre en contact avec Tano, on est déjà à l’échelle des tissus et des groupes de cellules qui se détachent les uns des autres sous la pression du projectile brûlant. Bien sûr, plus on se rapproche de la mort, plus on explore les paramètres primordiaux qui constituent la vie. En parallèle, plus on se rapproche de ces paramètres primordiaux, plus on entre dans les pensées de Tano. Les analogies initiées pendant cette description se rejoignent à l’instant de la mort dans les derniers influx-réflexes du cerveau de Tano qui, je t’épargne les détails, achèvent de faire le lien entre l’expulsion de la balle et l’éjaculation du père de Tano au moment où il se pend. Je précise que tout cela est assez joyeux et burlesque. Euh... pourquoi je te racontais cela, moi ? Ah oui ! Cette idée de spirale qui avance et tourne en rond tout à la fois...
Mais je me suis éloigné de la question, pas vrai ?
Je disais donc que j’écris depuis un bail. Ma première intention, lorsque j’ai fait mon blog, était de faire le contrepoint de tous ces blogs misérabilistes ou nombrilo-dépressifs en apportant ma vision joyeuse et délurée du monde. L’idée de raconter les petites joies de ma vie et ma manière de voir le monde m’est apparue, dans un premier élan, d’utilité publique. Cela était bien sûr parfaitement mégalomane et je dois bien dire que je n’ai pas trouvé d’écho par rapport à cette ambition initiale. Il n’empêche que j’ai découvert par le blog un plaisir supplémentaire à l’écriture, non pas dans le fait d’être lu mais dans le fait d’être commenté (je n’oserais pas parler d’interactivité). Je tiens donc un blog principalement pour ce plaisir-là, le plaisir d’écrire étant déjà acquis à la base.
A qui tu t'adresses essentiellement ? Quel est le public qui t'intéresse le plus ?
Je n’ai donc probablement pas changé de public en réformant ma vision du blog.
Difficile de dire à qui je m’adresse. A l’exception de quelques rares posts écrits en clin d’œil privé à certaines personnes qui me lisent et avec qui j’ai des échanges parallèles au blog, je ne m’adresse pas à un «public» dans le sens où je n’écris pas avec la conscience permanente que le texte sera lu par la suite... même quand j’emploie des tournures du genre «vous savez...», «n’allez pas croire que...», etc. L’idée de l’écriture contient en elle-même celle de la communication. Cela me suffit. Pas besoin de savoir qui est le récepteur.
A posteriori puisque mon blog est quand même lu, merci les stats, le public qui m’intéresse le plus est celui qui commente. Quelles qu’elles soient, les réactions me font plaisir.
Je me souviens d’un commentaire de Christian Mistral (tu me pardonneras, j’en suis sûr, de souvent penser à lui quand je pense à toi) qui m’interrogeait sur mon sentiment à l’idée que certains de mes posts pouvaient passer «dix pieds par-dessus la tête» de certains de mes commentateurs. J’avais cru bon de répondre par un joker pour jouer de complicité avec lui sans directement vexer les commentateurs incriminés. Après réflexion, en admettant même qu’il ait vu juste, je crois bien que je m’en fiche. Etre compris ne m’est pas nécessaire, ni pour me conforter dans ce que je pense, ni pour me satisfaire d’être lu d'autant que les propos que je tiens dans mon blog n'attaquent pas lourd sur les neurones en général. Tout cela n'est qu'un vent d'électrons.
Tu passes ton temps à inventer des moyens d’interagir avec tes lecteurs, de susciter des réactions, de les faire participer. Au point où je me suis dit à un moment que tu devais travailler pour une agence de pub et te servir de ton blog d’espace expérimental. Qu’est ce qui te pousse à pousser les gens de la sorte ?
Non, je ne travaille pas dans une agence de pub, mais j’ai étudié la communication donc, entre autres, la publicité. Mon désir de pousser à la réaction, en tout cas les moyens que j’utilise pour y parvenir, ne sont peut-être pas complètement étrangers à ma formation, mais la motivation n’est pas dans l’application des techniques.
Je pars de ma conviction que chaque média conditionne un mode d’expression particulier, engendrant une grammaire de décodage qui lui est propre. Au passage, je dois dire que, tous modes d'expression confondus, je suis de plus en plus attiré par les œuvres qui s’en tiennent à la grammaire de leur support sans aller pinailler, selon une certaine mode, dans les autres registres : il y a suffisamment de matière à explorer en profondeur.
Le blog se profile à mes yeux comme le support technologique le plus adéquat à l’expression des humeurs et des sentiments ou comme carnet de bord d’activités diverses.
L’idée que le media impose implicitement des formes ou des structures ne me paraît pas une contrainte. Par contre, je suis de ceux qui, à l’intérieur d’un espace réglementé, aiment exploiter toutes les règles possibles pour y déployer un «espace de liberté». Le genre prévoit la possibilité de commenter ? Alors il faut l’exploiter, l’expérimenter, en jouer. Le genre induit la possibilité pour le lecteur de prendre le raccourci de l’e-mail pour communiquer des choses plus construites qu’un commentaire (une photo de ses seins avec mon pseudo inscrit en grec dessus par exemple) ? Alors, pourquoi également ne pas en tirer parti…
Tout cela n’est, bien souvent, que test de ma part… un peu comme quand on apprend une langue étrangère sur le tas. Il faut essayer pour comprendre et mieux maîtriser…
Outre l’exploration du média lui-même, le résultat, c’est-à-dire les réactions des personnes que je «pousse», selon ton expression, me fascine. Les messages téléphoniques reçus sur allô pHiLo sont délicieux, les réponses au questionnaire de pHiLoGrApH sont stupéfiantes, les œuvres calligraphiques de ma rubrique «A fleur de peau» sont excitantes, certains gros mots de mon comptoir d’insulte interactif sont déroutants… Le jeu en vaut donc la chandelle. Et puis, primeur encore, du côté de l’exploitation de la grammaire du média plus que dans le jeu de la recherche de réaction, je compte créer sous peu une rubrique audio qui s’intitulera vaguement comme ceci : «Ma vie en silence». Mais là, je n’en dis pas plus, tu verras. Enfin tu entendras. Ou plutôt non, tu n’entendras pas, mais tu verras quand même. Bref, à suivre ;-)
Il y a également un à-côté du blog absolument imprévisible qui m’a complètement désarçonné. Bon, puisque tu sembles avoir l’habitude de prêter attention à «celui qui écrit» en t’intéressant à sa prose, tu auras peut-être noté que je suis quelqu’un qui aime tenir la rencontre dans un jeu de séduction et faire jaillir un peu d’érotisme dans les vis-à-vis que je m’autorise. Je n’ignorais pas, dans cette optique, le pouvoir des mots puisque mes plus belles amours furent aussi les plus arrosées d’encre. Séduire par l’écrit, de bout en bout, m’était même une notion tout à fait plausible puisque j’ai mené à l’occasion, l’une ou l’autre cour assidue par lettres ou mails interposés. Mais la base de la rencontre était toujours faite de chair et d’os. Tenir un blog m’a amené à recevoir des mails et, à l’occasion, à transformer un simple échange de politesses en une sorte de cour épistolaire (bon, le mot est pompeux, mais tu vois ce que je veux dire) sans jamais prévoir de rencontre. Je raffole de cela, c’est un jeu qui me passionne et qui peut dériver en de très chaleureux échanges. Le blog m’a aussi attiré quelques frivolités virtuelles tout à fait plaisantes pour le plus pur plaisir de la coquinerie sans lendemain. Les coquineries à distance ne me frustrent pas je le précise vu que le caractère virtuel de ce genre de plaisirs m’a déjà été rapporté comme frustrant… par des personnes qui s’y refusent, donc, damned ! car je n’en attends rien. Non que ce qui est susceptible d’en découler me laisse a priori indifférent, mais je n’ «organise» pas ma vie sociale en comptant sur ce biais. Enfin, je t’ai déjà confessé que dérapage «In real Life» il y eut, initié par le blog… Ce qui est racontable est posté, ce qui ne l’est pas ne le sera donc pas plus ici ;-)
Partant du principe que les blogs sont des journaux du Net, es-tu du genre à tout archiver pour le garder pour longtemps, ou tu laisses passer juste ? Et si tu archives, est-ce que tu le montreras fier à tes petits enfants ?
Quelle sont les conseils que tu donnerais à quelqu'un qui t'écrirait pour te dire : Bonjour [Monsieur | Philo | Vieille Crapule | Amour de ma Vie | ... ] (rayer les mentions inutiles), j'ai décidé d'ouvrir un blog, des conseils pour qu'il y ait une chance d'être dans [votre | ta ] blogroll ?
Pour être dans ma blog-roll ? Misère, quelle drôle de question. Ceux qui s'y trouvent sont vraiment ceux que je titille de la souris chaque jour ou presque et c'est par commodité personnelle que je les place là, pour les avoir à portée de clic d'où que je me connecte. Je conserve dans mes favoris ceux que je fréquente moins régulièrement et qui peuvent attendre que je revienne à mon PC perso. Pas de hiérachie donc, plutôt une question pratique. Il y a d'ailleurs des blogs que je préfère à certains liens de ma liste mais que je ne linke pas parce qu'ils ne mettent pas à jour suffisamment souvent pour mon rythme de consultation ou qu'ils n'ont pas assez d'archives pour me distraire les jours sans post.
Mais des conseils à donner... foutrepurée ! ça me ferait mal !