J'hésite à utiliser le "prénom" seul, le pseudo perdant de son charme. Le jeu de mots est flagrant, comme une marque soigneusement choisie. Tu l'a forgé pour ton site ? Ton blog ?
Je me suis affublée de ce nom invraisemblable à l'époque où, collégienne, je participais à la rédaction d'un petit fanzine anarchiste. C'était mon nom de guerre de militante de choc (quelle dérision). Tous mes camarades s'entendaient pour dire que c'était le nom de guerre le plus idiot au nord du Rio Grande, puisque j'étais la seule Ann(i)e anarchiste du collège.
J'ai créé mon premier site essentiellement pour faire taire mon amoureuse et mes amis qui me harcelaient pour que je publie mes trucs. Et je suis passée au blog suite à ma première tumeur, à la suggestion d'une copine qui voyait dans ce format une façon d'accélérer la cadence de mes mises à jour.
Quelques éditeurs m'ont déjà approchée pour publier mes petits textes mais j'ai toujours refusé. À mon avis, Internet est mieux adapté à ce que j'écris (des textes très courts) que le livre. Et puis, je tiens mordicus à la gratuité et au dilettantisme...
Est-ce celui que tu espérais, que tu souhaitais, en dehors de tes proches ?
Si je me fie à mes commentaires et à mes courriels (c’est plus joli qu’emails, désolée Antoine…) j’ai très peu de lectrices et beaucoup de lecteurs. Peut-être sont-elles plus timides ? C’est probablement le cas, parce que je découvre régulièrement des bloggeuses qui ont mis un lien vers mon site dans leur blogroll. Je leur laisse alors un petit mot et elles me répondent presque toujours qu’elles hésitaient depuis longtemps à m’écrire. Curieux, non ? J’ai également très peu d’anarchistes parmi mes lecteurs, mais ça, ce n’est pas surprenant : ils sont si pudibonds…
En dehors du cercle de mes intimes, j’ai quelques lecteurs de qualité, des gens éblouissants, intelligents, ouverts d’esprit, cultivés. Un noyau dur de gens si brillants qu’ils en deviennent intimidants (surtout lorsqu’on constate la facilité qu’ils ont à truicider mes grilles de mots croisés... !) Même des gens comme Mistral que j’admire depuis l’adolescence et avec qui j’ose à peine correspondre tant je suis béate d’admiration. C’est surtout pour eux que je continue, même si l’envie de tout laisser tomber se fait parfois impérieuse.
Puis il y a les autres. Les mythomanes, les obsédés, les handicapés sociaux-affectifs, les monomanes, les masturbateurs compulsifs, les beaufs amateurs de pornographie et de steaks-frites, les analphabètes fonctionnels, les imbéciles dysfonctionnels, les schizophrènes désintitutionnalisés, sans oublier les deux ou trois Jesus-freaks qui veulent sauver mon âme, les quelques satanistes qui veulent que je la vende à Lucifer et une poignée de propriétaires de cabots qui veulent que je m’accouple avec Médor (mais ça, je l’avoue, je l’ai un peu cherché).
Le genre d’individu charmant qui m’écrit « ton poeme a un arriere gout d anus .. franchement quand j ai lu ton étron , la seule chose que j ai eu envi de faire apres c etait de laché une énorme sentinel dans ta bouche ! tu m a l air vaginalement petable , tu la veu ma bite , moi je t aime ».
Aie aie aie, rien que d’en parler, la migraine me prend…
Blague à part, les concours, c’est évidemment pour la beauté et la joie de la relation ludique et gratuite avec des gens qu’on apprend toujours à apprécier un peu plus. Ça ressemble à l’érotisme tiens. D’ailleurs pour cela que j’ai commencé « Rocambolesques » il y a quelques mois : pour le plaisir pur de fantasmer en groupe. Le résultat n'est pas toujours très brillant, mais l'esprit y est.
Si une personne te contactait pour de demander conseil avant de 'lancer' son blog, qu'est-ce que tu aurais comme recommandations ?
J'en ouvre quelques-uns ?
CRACK !
« Si vous pensez comme tout le monde, n'allez pas jusqu'à l'écrire - personne ne penserait à vous lire. »
CRACK !
« La forme, c'est le message. Votre mise en page en dit plus long sur vous que ce que vous écrivez. Ce que vous dites à moins d'importance que la façon dont vous le dites. Et personne ne veut savoir que votre petit chat est mort. »
CRACK !
« Le sage sait que chaque commentaire élogieux précède une insulte gratinée. Il reste donc modeste et évite de pontifier comme une star internationale du web. »
CRACK !
« Jamais le sage ne perd son sang froid devant ses cent visiteurs quotidiens, car il sait qu'il s'agit des mêmes dix personnes qui viennent guetter dix fois ses mises à jour. »
CRACK !
« Les fotes d'ortografes, les abrev mem pô lisib, les smilies, les GIFs animés et les mangas sont l'acné juvénile du blog. »
CRACK !
« Le sage sait que la pub est un chancre qui dévisage ses écrits et n'hésite jamais à sacrifier les quelques pièces exigées par les démons pour s'en débarrasser. »
CRACK !
« Le sage sait qu'il n'a qu'à pondre la millionième définition du mot blog ou discuter sans fin des mérites respectifs de Blogger et de Movable Type pour être cité par Jean-Luc de MediaTIC. Il décide donc de s'abstenir pour ne pas bêler avec le troupeau. »
CRACK !
« Puisque la lecture à l'écran est une forme ancestrale de torture, le sage poste court quand il ne peut pas poster très court. »
CRACK !
« Le sage sait soigner ses amitiés virtuelles, mais il sait qu'il n'écrit pas que pour une poignée de happy few. Il s'abstient alors de tenir des propos hermétiques compris par trois initiés et leur sœur. »
CRACK !
« Les papillons postent dix fois par jour mais meurent au premier vent froid. Les tortues ménagent leurs effets et vivent centenaires. »
CRACK !
« La fermeture dramatique et théâtrale est une étape obligée de tout blog qui se respecte. Après avoir fait ses adieux, le sage prend des vacances et revient comme si de rien n'était. »
Y'en a plus. J'ouvre un autre sac ?